Kansasii : 1 cas sur 400 000
Voici le récit on ne peut plus extraordinaire et bien malheureux qui frappe notre famille depuis plusieurs semaines. Nous ne savons pas très bien comment tout cela a commencé, mais depuis la fin janvier il règne un climat d’après-guerre à la maison. Lorsque nous avons eu la nouvelle, celle-ci a été reçue comme si la Troisième Guerre mondiale venait d’éclater dans notre foyer. L’analogie avec une guerre nucléaire (et son champignon atomique) n’est pas si éloignée de la vérité, je vous l’assure !
Laurent est gravement malade. Un champignon (une mycobactérie atypique) a élu domicile dans son poumon droit. Nous ne savons ni pourquoi, ni comment cela a pu se produire. Les médecins n’en savent pas plus, non plus ….
Voici comment tout cela a débuté :
Semaine 1 (23 janvier) : Nous avons rendez-vous au CLSC pour recevoir (bien en retard) le vaccin de la grippe. Ce sont les recommandations que nous avions reçues pour protéger notre belle Camille, mais comme l’automne avait été difficile côté rhume (pour maman), nous l’avons reçu plus tard.
Dès le surlendemain, Laurent, mon conjoint commence à tousser et il paraît enrhumé. Nous savons qu’il est plus fragile des bronches et donc cela ne nous inquiète aucunement qu’il développe quelques symptômes de la grippe. Il fait même un peu de fièvre !
Semaine 2 : Laurent tousse toujours et il a des épisodes de sueurs nocturnes. Nous ne savons pas s’il a réellement fait de la fièvre, mais il se réveille complètement trempé ! Au bout de 10 jours, nous constatons cette fois-ci qu’il y a bien une poussée de fièvre. Cela nous inquiète davantage et comme la fièvre n’est pas très élevée, on présume qu’il en a possiblement fait la fois d’avant. Par contre, nous commençons à nous dire qu’il est peu probable que cela ait un lien avec le vaccin !
Quelques jours plus tard, un nouveau symptôme apparaît: Laurent ressent une douleur juste en dessous de la clavicule, ça le dérange (nous ne comprendrons que beaucoup plus tard à quoi est reliée cette douleur). Je parle de mes inquiétudes à Laurent et nous convenons qu’il doit consulter si jamais un épisode de fièvre revient (pas facile de les convaincre, par fois, hein ?).
Semaine 3 : En effet, je suis certaine que Laurent n’est pas le seul homme qui n’aime pas consulter « pour rien » … Par contre, une nuit, alors qu’il se réveille en pleine crise d’asthme il me dit qu’il doit se rendre à l’hôpital, que ça ne peut plus durer. La situation m’inquiète depuis plusieurs jours et je suis contente de sa décision.
Il m’expliquera à son retour qu’on l’a installé avec un masque à oxygène et cela l’a aidé à mieux respirer. Ils lui ont donné une prescription de pompes (Ventolin et cortisone) et ils auraient conclu qu’il s’agit d’asthme mal contrôlé, tout simplement. Ils n’ont pas fait de radiographies de ses poumons, car le médecin a mentionné que ses poumons étaient « clairs » lors de l’auscultation.
Semaine 4 : Je décide d’acheter une aérochambre avec masque parce que je suis persuadée que Laurent ne prend pas ses pompes. Je me dis que si ça lui avait fait autant de bien de recevoir de l’oxygène avec le masque, à l’hôpital, que le problème doit être qu’il n’aspire pas bien les médicaments !
Semaine 5 : Au bout de quelques jours par contre, il faut se rendre à l’évidence que cela non plus, ça ne fonctionne pas ! 🙁 J’appelle notre médecin de famille pour qu’elle le voit en urgence. Je lui spécifie que Laurent aura besoin d’une consultation avec des spécialistes en pneumologie et en allergologie. Nous savons que Laurent a beaucoup d’allergies et on se dit que ça pourrait être en lien avec cette faiblesse respiratoire ?! On suppose !
Elle rencontre Laurent deux jours plus tard et elle arrive au même résultat : ses poumons sont clairs ! Elle lui donne un antibiotique, car elle se dit qu’il tousse beaucoup et qu’il doit avoir une infection aux bronches. Elle demande une radio des poumons.
Semaine 6 : C’est le début de la semaine (lundi 24 février) et Laurent a une journée compliquée … Il va porter Maëlle au CPE de l’université Laval puis va porter Camille chez sa mère, car la garderie est fermée (gastro). Alors, Laurent retourne à l’université pour y rencontrer un chercheur. Il revient ensuite chez sa mère avec Maëlle en après-midi et c’est prévu qu’ils rentreront à la maison après le souper. Ouf !
Laurent a la charge du transport des enfants parce que son horaire est plus flexible que le mien: je dois arriver à l’école assez tôt et j’ai besoin de rester plus tard le soir pour travailler 🙁 ). Je le vois se fatiguer de plus en plus avec cette lourde tâche et je me sens impuissante.
En fin d’après-midi ce jour-là, Laurent reçoit un appel de notre médecin de famille. Le « premier diagnostic » tombe : Tuberculose ! Elle lui apprend qu’il a un rendez-vous d’urgence avec un pneumologue le lendemain matin. Laurent demande ce qui a pu apporter un tel diagnostic ? Notre médecin lui répond qu’une cavité est visible sur la radiographie de ses poumons et que c’est un signe très distinctif. (C’est à l’endroit même où il avait de la douleur).
Quelques minutes plus tard, il s’entretient au téléphone avec le médecin qu’il verra le lendemain. Celui-ci lui pose quelques questions pour tenter de voir si cela correspond à la maladie envisagée. Laurent répond positivement à tous les critères (sueurs nocturnes, perte de poids de plus de 10 livres, etc.) ! Le médecin semble surpris. Il est rarissime de développer la tuberculose lorsqu’on est jeune et en bonne santé. En fait, cela arrive (1 cas sur 400 000) pour des personnes immunossuprimées ou très vieilles.
Bien évidemment, la nouvelle est une véritable onde de choc ! Cela nous inquiète énormément. Le lendemain Laurent est admis dans une chambre à pression négative. Il passe une batterie de tests (radiographie, Taco, bronchoscopie, multiples prises de sang (une bonne vingtaine et même plus). Il est analysé sur toutes ses coutures ! Les résultats sont très longs à obtenir (plusieurs jours et même plusieurs semaines pour certains tests). Les médecins ne sont pas tout à fait certains que cela soit une tuberculose même si les premiers résultats pointent vers cette possibilité.
Déjà les informations reçues nous semblent catastrophiques et nous sommes désemparés. Les médecins décident tout de même de retourner Laurent à la maison en ne sachant pas encore s’il est contagieux. Selon eux, comme nous avons été en contact avec lui tout ce temps, cela ne représente pas un risque plus grand que l’on soit contaminé. N’empêche que je suis troublée de ça ! Laurent doit porter un masque par mesure de sécurité, mais il n’arrive pas à tolérer les modèles qui seraient vraiment efficaces pour éviter toute contagion ! Je regarde les filles et les larmes me montent aux yeux, je suis incapable de me raisonner et j’ai peur que cela affecte nos enfants. (Nous connaitrons mieux les risques de transmissions de la maladie, par la suite).
Semaine 7 (La relâche) : Laurent est hospitalisé. Il a fait de la fièvre dans les derniers jours et son médecin s’inquiète de son état. En fait, ils sont plusieurs médecins à s’occuper de lui et ils ont tous des avis différents sur les premiers résultats des tests qui sont sortis. Laurent teste « positif » pour plusieurs types de bactéries et donc les médecins sont bien embêtés pour lui donner le traitement adéquat. Serait-ce possible qu’il soit atteint de plusieurs bactéries ? Comme les résultats ne sont que provisoires, ils ne veulent prendre aucune chance ! Ils ne savent pas s’il s’agit de la tuberculose, d’une mycobactérie ou de toutes autres choses comprises dans ces familles de bactéries. Ils décident donc de le traiter pour une maladie qu’ils ne suspectent pas vraiment, mais qui pourrait se dégénérer rapidement, si jamais c’était bien ça ! Laurent recevra donc un traitement antibiotique par intraveineuse pendant 2 jours en attendant d’autres résultats.
Entre-temps, je communique directement avec la Santé publique parce qu’on nous avait dit qu’en cas de tuberculose nous serions pris en charge. Je trouve que les choses ne vont pas assez vite à mon goût ! Des images d’horreur viennent me hanter chaque jour et je ne sais toujours pas comment on traite cette maladie, comment on peut l’attraper ou la transmettre, réellement, si nous allons être testées, les filles et moi. Je veux des réponses à mes questions.
La personne qui s’occupe de ce dossier me répond et je suis soulagée. Elle me dit qu’elle ne répond normalement pas aux questions du « public » mais comme elle voit que je suis complètement déroutée, elle passe une bonne heure au téléphone avec moi. Me voilà rassurée ! Nous pouvons sortir de chez nous, les filles peuvent aller à la garderie, je peux aller travailler. C’est un soulagement! Elle m’explique que toutes les variétés de tuberculose de soignent bien et que certaines ne sont pas contagieuses, mais que la convalescence est très longue.
Semaine 8 : Finalement, nous en apprendrons plus sur l’état de santé de Laurent. Il ne s’agirait pas de tuberculose, mais bien d’une mycobactérie (M. Kansasii, pour l’appeler par son petit nom). Tous semblent rassurés ! Le traitement par intraveineuse est arrêté puis Laurent à son congé de l’hôpital. Je suis contente de voir qu’il peut sortir de l’hôpital, mais il demeure très faible et tousse énormément. Il passera la semaine chez sa mère pour se reposer le plus que possible. Il commence son imposant traitement composé de 3 antibiotiques qu’il prendra pour plusieurs mois, voire un an ou deux !
Nous sommes soulagés, bien sûr, que cela ne soit pas contagieux, mais nous devons être réalistes, Laurent est très affaibli, il a perdu un bon quinze livres et il n’arrive pas à tenir debout plus de 2-3 minutes. Il passe la journée assis à la table ou sur le sofa et le temps lui paraît immensément long.
Semaine 9 : Il revient à la maison et il est content de retrouver ses choses. Par contre, même plusieurs jours après le début de son traitement, il refait de la fièvre et des sueurs nocturnes de temps à autre. Il a des bonnes journées et des moins bonnes: le moindre effort l’épuise complètement. Nous attendons que le temps fasse son oeuvre et que les médicaments l’aident à guérir. Les journées sont grises et froides … L’hiver est interminable !
Semaine 10 : Nous nous rendons à l’hôpital pour son examen de suivi. Le médecin demande une radiographie, mais nous n’aurons les résultats que le lendemain. Je dis au médecin que Laurent aimerait reprendre le travail le plus tôt que possible, mais que je doute qu’il soit prêt. Je lui demande si la convalescence peut être longue et il me fait le signe que « oui » ! Il me dit: Nous l’aurons à l’oeil … 🙂
Semaine 11 : Laurent doit passer un autre Taco pour comparer les résultats avec celui qui a été fait à la fin du mois de février. Il est difficile de dire si Laurent se sent mieux ou de tenter de voir une quelconque amélioration dans sont état … Ce sont des vraies montagnes russes !
Le médecin nous rappellera par la suite pour nous dire qu’il voit une guérison sur son poumon à l’endroit où il y avait peu de mycobactéries, mais malheureusement, il note une augmentation de la circonférence de la cavité à l’endroit où il y a un gros amas dudit champignon. (La taille de la cavité est d’environ celle d’une orange, soit dit en passant). Le médicament ne se rend pas dans cette région, car le médecin suppose qu’elle est nécrosée et qu’elle n’est plus vascularisée. Cela nous décourage une fois de plus ! Les médecins évoquent la possibilité d’une opération.
Semaine 12 (8 avril) : Il est très clair que la cavité a augmenté de volume et les médecins sont maintenant prêts à fixer une date d’opération, le 22 avril. Chaque médecin que l’on rencontre à sa propre façon de nous expliquer l’état du poumon de Laurent et la façon dont il soignera la chose.
Le chirurgien spécialisé dans les poumons nous explique (et c’est la première fois qu’on entend ces explications) que Laurent a un abcès (de bonne dimension) et qu’il faut le percer et le drainer. Ensuite, il nettoiera toute la surface où se loge la plus grande concentration de mycobactéries. Celui-ci dit à Laurent qu’ils ont l’habitude d’opérer pour beaucoup moins grave que ça ! Le chirurgien lui mentionne que si jamais il n’arrive plus à endurer sa situation, qu’il serait même possible de l’opérer en urgence … (une semaine avant). Par contre, tout comme le cas de Laurent, cette opération est très rare ! (Aucun cas récent de répertorié ici, seulement de la littérature médicale) !
Comme il était prévu que nous voyions le médecin suivant cette rencontre, nous discutons de l’opération en urgence avec lui. Laurent se sent de plus en plus mal et il ne sait pas s’il sera capable de tenir le coup encore deux semaines. Le médecin lui dit qu’effectivement, la solution de l’urgence est disponible, mais que les conditions d’une opération planifiée et toujours préférable ! Il prescrit donc un quatrième antibiotique à Laurent en espérant que ce traitement atteindra plus facilement les tissus malades.
Semaine 13 (semaine prochaine) : Nous rencontrerons à nouveau le médecin mardi prochain (le 15 avril) et nous pourrons discuter avec lui de la suite des choses. À Suivre …
Alors, vous comprendrez que les temps sont durs à la maison, très durs. Si vous avez des ondes positives à nous envoyer, nous sommes preneurs. 🙂
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